Amsterdam. Capital des Pays-Bas, aussi appelée Hollande. Nous nous trouvons dans un quartier miteux, dans la banlieue de la ville. Tout est gris, du béton de la route, en passant par les murs des maisonnettes et le ciel plein de nuages menaçants. De vieilles bagnoles sont garées le long des trottoirs, les gens respirent la misère, ce paysage est d'une tristesse indescriptible. Pourtant, deux petits garçons quasiment identiques foncent à toute vitesse sur leurs minuscules vélos. Ce sont deux petites terreurs, les fureurs du lotissement. D'ailleurs, ils connaissent l'endroit comme leur poche. En fait, le plus petit, sur sa bicyclette grise toute pourrie et trop petite, c'est moi, Pawel Darren Enwigan. Et l'autre, le plus grand mais lui aussi âgé de 10 ans à l'époque, c'est mon meilleur pote, Matthys Ewen Rosenthal. Lui, je le connais depuis toujours, il est le frère que je n'ai jamais eu, on se connait par cœur, on a toujours vécu là, dans cette rue d'Amsterdam. Toujours fourré ensemble, surtout pour faire des conneries, mais qu'est-ce qu'on a pu rire ! Les vieux du coin nous regardaient d'un air méfiant, mais cela ne nous faisait rien, ils pensaient ce qu'ils voulaient. On allait peut-être devenir des racailles, et alors ? On était libre. Ma mère ne me fixait plus de barrière depuis bien longtemps, m'élevant seule depuis ma naissance, mon père n'étant qu'un lâche. Quant à Mat, son père passait le plus clair de son temps à boire et sa mère à essayer de réparer les dégâts. Rien de très glorieux quoi. On était deux gamins contre le monde, abandonnés et livrés à eux-mêmes. Alors on se consoler comme on pouvait. Il est vrai qu'on volait, qu'on faisait des trucs pas très catholiques, même à un âge si précoce. On nous regardait souvent de travers, mais notre duo n'était pas près de se séparer. On faisait vraiment la paire, liée comme les cinq doigts de la main. Et puis, on ne rêvait que d'une seule chose, sortir de cette pauvreté et voler de nos propres ailes. Pourtant, à l'école, on n’était pas les plus doués, plutôt dissipés et grande gueule, on n’était pas très apprécié de nos enseignants. On était peut-être pas fais pour ça, on rêvait de gloire en secret, de strass, de paillettes. On savait lire depuis quelques années, mais cela nous semblait sans grand intérêt. Parfois, nous rations même l'école, histoire de s'évader un peu et visiter le reste de la ville, tel deux étrangers découvrant un nouveau pays. On s'arrêtait devant les vitrines des magasins, émerveillait, en espérant un jour pouvoir s'acheter ce que l'on désirait. On voulait déjà changer de vie, ayant à peine une dizaine d'années.

Les années ce sont écoulées, mais Mat et moi avions toujours le même but, sortir de cette banlieue qui nous opprimait depuis notre naissance. Nous sommes allés au collège, poussés par nos mères respectives, mais nous y allions en traînant des pieds. Le seul truc que m'aura peut-être appris cet endroit, c'est à former mon esprit critique, à prendre du recul. On me disait intelligent, mais je foutais, car voyait où cela avait mené ma mère, parce que non, elle n'était pas conne elle non plus. Pourtant, elle c'était retrouvée là, avec un très modeste boulot et sans perspective d'avenir. Ça, je le savais déjà trop, les études ne suffiront pas à me sortir de là. A douze ans, j'ai donc commencé à tenter ma chance dans la musique. Un soir, toujours accompagné par mon ami, je me rendais dans une boite de nuit d'Amsterdam, pas très bien fréquentée, certes, mais cela me permis de débuter. Le patron était un gros looseur qui respirait le fric à plein nez, avec son air d'homme d'affaire et son ventre bedonnant sous sa chemise trop petite. Peu importe, il avait accepté de me faire passer des essais pendant une semaine avant de se décider. Il ne fallait pas que je me rate, c'était ma seule chance, aucun autre propriétaire de discothèque ne voudrait embaucher un mineur, je le savais. J'étais prêt à tout pour réussir, pendant la journée, avec Matthys, on a séché les cours, pour avoir le temps de répéter. Je mixais, il me donnait des conseils, et on recommençait jusqu'à ce que le rendu soit convenable. Mat avait vraiment l'oreille et pointait bien les défauts de mes créations, mais il semblait convaincu par mon son, et cela me rassurait. Après des heures de travail, la boite se remplit enfin, et des tas de personnes rentrèrent pour faire la fête. Ma musique semblait appréciée, j'étais soulagé. Et ce fut comme ça pendant toute ma semaine de probation. J'étais aux anges, j'adorais vraiment ce job, et espérais que je serais engagé.

Je fus pris, avec les félicitations du patron, les tapes dans le dos, et tout ce qui va avec. Ce mec me répugnait, mais j'étais devenu son nouveau poulain, il l'avait bien senti. Si lui pensait que je pouvais percer, moi j'en doutais encore et n'étais pas si sûr de moi. Bientôt, la petite discothèque de ce gros nul fit salle comble à cause de mes prestations. Grâce au bouche à oreille, bientôt, il fallut restreindre l'entrée. Et puis, un soir, un autre gérant de boite, mais d'une bien plus grosse boite, vint me racheter en quelques sortes. Le gros balourd ne fut pas vraiment content mais accepta de me céder contre un peu d'oseille, quand je vous dis qu'il n'y avait que le fric qui comptait pour lui, ce n'était pas une vue de l'esprit ! Les choses s'enchaînèrent très vite, et heureusement que Matthys était là pour me faire garder les pieds sur terre, car en très peu de temps, j'étais devenu le DJ montant du pays. J'étais alors un des plus jeunes et un des plus doués DJ du moment et je n'étais pas mal payé, et je ne m'en plaignais pas, bien au contraire. Faire de la musique, créer, je ne pouvais à présent plus m'en passer, c'était devenu une vraie drogue. Ma réputation n'était plus à faire, et à 14 ans, je faisais la une de certains magazines, ce qui n'était pas pour me déplaire. Les gens m'avaient accepté et j'étais une star montante au Pays-Bas. A 15 ans, j'ai commencé à vouloir faire comme les grands, ou peut-être pas en fait, j'me cherchais, j'ai commencé à fumer, à boire, à faire la fête. Je m'éclatais, mais bientôt la presse à scandale fit de moi leur attraction favorite. Des photos de moi, fumant, ou même pire, fumant un joint, ou une bouteille d'alcool à la main, entouré de jolies demoiselles. Faut bien vivre, non ? Certains disaient que j'étais une honte pour le pays, d'autres m'admirait pour ce que j'étais vraiment, un DJ talentueux.

Enfin, il y a un peu plus de deux ans et demi, un producteur m'a proposé à marché, si j'arrivais à percer aux États-Unis, j'aurais le droit d'accéder aux studios et d'enregistrer mon premier album. Bien sûr, trop pressé de quitter ma misère natale, je m'empressais d'accepter. Me voilà donc parti avec mon pote dans mes bagages, vers le rêve américain. Je sais que la route sera longue, mais le jeu en vaut la chandelle, non ?